FRACTAL HOUSE

Lillois.

[english translation to be done soon]

Avant d'être forme conçue ou construite, la Maison Fractale était une famille pour qui 500m² d'espaces divers hébergeraient vies privées et professionnelles. Le lieu choisi se trouve à 20 km de Bruxelles, à l'intersection des champs respectivement attractif et répulsif des communications et des nuisances urbaines.
Visitez le site de services wiki matscape.com.

LE PARTI: UNE FRACTALE PALLADIENNE.

Nous avons voulu ici unir la référence classique et la tradition locale au niveau de l'expression d'une logique constructive simple et claire. Le contrepoint entre une maçonnerie de brique soignée et des accents structurels en matériau noble (ici le béton blanc) illustre cette approche d'inspiration Palladienne.
Le terrain est en retrait par rapport à la rue et, vers le sud, surplombe le voisinage. C'est dans cette direction qu'est tournée la maison: jardin, terrasse et pièces de séjours s'exposent à l'ensoleillement et au paysage. N'est laissé au nord que le recul nécessaire à l'accès et à la manoeuvre des voitures. De ce côté, le plan de la façade est pivoté de 45° vers le nord-ouest, de manière à présenter au visiteur un aspect plus accueillant.

Cette double orientation a suscité l'adoption d'un système de trames décalées à 45°. Ensuite est née l'idée de leur donner une cohérence formelle par un motif géométrique qui rencontre les préférences esthétiques et intellectuelles du Maître de l'Ouvrage: une fractale.
Les fractales sont des lignes repliées sur elles-mêmes en convolutions tellement compliquées et serrées qu'il est impossible d'en isoler un morceau, si petit qu'il soit, qui puisse être assimilé à un segment de longueur mesurable. Là où la ligne classique est un objet mathématique à une dimension (pour les deux de la surface et les trois du volume), la ligne fractale est un être particulier, de dimension -variable selon les modèles- typiquement comprise entre 1 et 2. On parle de dimension fractale, un concept non intuitif mais plus rigoureux que la notion  de dimension traditionnelle.
Un groupe particulier s'est signalé par sa productivité esthétique, celui des fractales auto-similaires: toute partie de la courbe en contient une série d'autres qui sont sa reproduction à plus petite échelle. C'est l'une d'elles qui a été prise comme matrice du plan: une variante de courbe dite de Koch engendrée récursivement en insérant au milieu de chaque segment un angle droit décalé à 45°, comme un chapeau chinois: . Si on se donne pour forme de départ un carré, les trois premiers stades de fragmentation se présentent comme suit:

 
 
  stade 0
  stade 1
  stade 2
  stade 3

FRACTALES THEORIQUES ET FRACTALES CONCRETES.

Bien entendu, le motif géométrique ne fait pas l'architecture, et c'est dans le travail ultérieur de conciliation avec les autres déterminations -structurelles et fonctionnelles- que tout se jouera.

Dans le cas présent le cheminement vers la matière et le détail a présenté un intérêt particulier, qui tient avant tout à ce que la fractale par nature implique une dialectique parallèle.
Au contraire des formes Euclidiennes, comme le cercle ou le carré, qui se perçoivent d'emblée, les fractales ne sont pas intuitives. A leur contact l'esprit peut éprouver un malaise qui n'est pas pour rien dans leur réputation ancienne de 'monstres' mathématiques. Pour construire ou percevoir une fractale, l'esprit procède par récurrence. A chaque stade l'image se dérobe: à peine distingué le segment se fragmente. La figure n'existe que dans l'écoulement d'un temps logique. Cette évanescence de la forme joue un rôle essentiel dans son exploitation architecturale: on trouve en son sein même une incomplétude de principe qui ne demande qu'à être comblée par la définition des détails constructifs ou fonctionnels.

Dans notre exemple une option est très tôt prise en matière de perforations pour les portes et fenêtres: dans l'opération élémentaire de substitution d'un chapeau chinois à un segment, le segment devient un poché de mur, et l'angle inséré devient fenêtre de coin. Le plan prend l'allure suivante (c'est encore un plan de principe, sans détermination fonctionnelle) :

Deux problèmes apparaissent : notre fractale est jusqu'ici un tracé plan; or l'édifice sera un objet tri-dimensionnel. Comment se fera la transition? La fragmentation est théoriquement sans fin; qu'en est-il pour un plan d'architecture? En répondant à ces questions, c'est l'intrication des deux valeurs fondamentales de l'architecture que sont la proportion et l'échelle que l'on rencontrera sous un éclairage particulièrement intéressant.

Pour le passage à la troisième dimension, la solution qui se présente a priori sera celle d'une simple extrusion du plan vers le haut, chacun des côté devenant une facette.

Il reste à définir des hauteurs, celles des fenêtres par exemple. Ne pourrait-on pas simplement étendre à la troisième dimension le principe de réduction opérant dans le tracé en plan, et agencer les volumes en séries décroissantes, un peu à la façon des poupées Russes emboîtées? On donnerait ainsi aux problèmes de proportion une solution de principe radicale: le rapport du petit au grand y serait traité comme simple rapport homothétique.

Mais la verticale dans le monde réel que nous habitons n'est pas du tout équivalente aux deux autres dimensions: c'est la direction de la gravité, de la pluie, de la position active de notre corps à laquelle se référe notre perception. Pour la fixation des niveaux des seuils et linteaux de fenêtres par exemple, la liberté du concept géométrique est rigoureusement limitée par les contingences matérielles: il faut encadrer le champ de vision normal des enfants et des adultes. C'est ainsi que l'on sera amené à donner aux fenêtres une proportion d'autant plus élancée qu'elles sont plus petites, retrouvant ainsi une loi du vivant qui lie les proportions des êtres à leur taille.

L'application du mécanisme de réduction proportionnelle jusqu'à l'infime ne pose aucun problème dans le cas de l'objet mathématique, et c'est bien entendu ce qui fait l'originalité de la fractale: c'est par nature un être sans échelle, et l'imagination y voyage du très grand au tout petit sans que le paysage change. Mais si on prend la fractale comme modèle d'un objet matériel, notre plongée vers l'infiniment petit s'empêtre rapidement dans l'inextricable lien de la matière à son étendue: ainsi une porte doit laisser un passage minimum, et les fenêtres butent sur les dimensions incompressibles de leurs chassis. Il faut aussi fabriquer cet être fractal: s'il est fait de briques, la brique est la limite au-delà de laquelle la fragmentation n'est plus possible. Bien avant cette limite, la pure progression géométrique décroissante doit être conformée aux divers modules constructifs et mâtinée de progression arithmétique.

La règle de diminution a donc été infléchie: on y met une sorte de frein en décidant que le taux de réduction lui-même diminue pour les fragments plus petits, de sorte que si la taille des saillants de coin diminue dans l'absolu, elle augmente relativement aux facettes qu'ils interrompent.


Vue axonométrique du Sud, côté jardin.

Cette interférence dans le pur jeu de la proportion, c'est le critère architectural d'Echelle, qui nous dit qu'aucune forme ne doit être considérée indépendamment de sa grandeur. La géométrie s'y perd. Il faut composer.

Le développement en hauteur raconte la lutte de la géométrie euclidienne et de la géométrie fractale. Les toitures sont conformes à l'économie traditionnelle de l'angle droit et du versant, et à mesure que l'on descend, les espaces se déploient en excroissances fractales.

Couronné par une verrière, le noyau de la maison est l'escalier qui structure les fonctions suivant la règle de l'angle droit.


Le puits de lumière central.
(Les couleurs sont indicatives de l'altitude, comme
dans les cartes de géographies du relief.)

L'escalier condense le jeu des multiples axes visuels de l'espace. Les divers espaces de hauteur variables y entrent en communication. Du côté de l'entrée, les excroissances fractales ont été réduites, de manière à ce que la façade soit en contact immédiat avec le noyau central.


Vue axonométrique de l'Ouest, côté entrée.

LA SCULPTURE, UNE AUTRE TRANSCENDANCE DIMENSIONNELLE.

L'architecte a proposé au sculpteur Thérèse Chotteau d'intervenir sur des lieux où la sensibilité attend le signifiant spécial de la rupture qu'est l'ornement. Ces points qui captent le regard et l'esprit sont les solutions de continuité de l'édifice: points de report des charges et points de pénétration, piliers et portes.

Une paire de colonne encadre l'entrée principale. Là où elles transmettent leur résistance à l'arc de maçonnerie, des chapiteaux historiés renforcent leur puissance ornementale. Reliefs de béton blanc, ils sont les éléments les plus élaborés d'un ensemble d'accents structurels en contraste avec la maçonnerie. La sculpture a un effet textural: insérée dans la surface minérale comme un bijou sur la peau, elle en affirme le caractère esthétique et culturel.

Si les fractales sont une façon d'inclure l'infini dans un ensemble fini, l'image sculpturale au sein d'un système architectonique nous en offre une autre modalité. Il y a ici aussi un effet de rupture d'échelle, mais inhérent à l'image. La profondeur de l'abîme est celle de l'espace figuré; sa temporalité est celle de la narration.

Le sculpteur a repris le thème de la géométrie: elle est pour lui un fonds de figures aux résonances symboliques et émotives immémoriales. Chacun des deux reliefs présente une scène contrastant personnages humains et polyèdres. Ceux-ci apparaissent inaltérables et indifférents aux passions dont ils sont l'objet, curiosité de l'enfant, rêve du mathématicien ou spéculation de l'architecte.

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