Momentanés

Cette partie du Parc du Cinquantenaire à Bruxelles est un équilibre intéressant de géométries minérales et végétales, de la géométrie paradoxale des ciels, et des configurations parfois surprenantes des usagers. Tout au long d'un été, j'en ai fixé des moments différents de la journée et de la nuit.

Dans ce projet photographique de Momentanés, j'ai voulu assumer un parti de composition qui prend le contrepied exact de la doctrine de l'instant décisif -chez Cartier-Bresson par exemple- pour qui tout se décide dans l'instant de la captation de la scène. Ce qui m'intéresse, c'est la durée des petits événements successifs en un lieu et un temps qui forment une ambiance : le moment et non l'instant. Ces photos sont des momentanés -et non des instantanés.

L'impulsion de départ a été donnée par le désir d'équilibrer en une image les grandes variations de luminosité entre les parties les plus claires (le ciel) et les plus sombres (la terre) d'un paysage. Cela n'est réalisable dans l'état actuel des techniques courantes que par une succession d'expositions à recombiner à l'ordinateur : technique de la photographie à grande étendue dynamique (HDR) dont l'intérêt n'est pour moi que de restituer la perception normale.

23/8/2010, 19.50h-19.52h.Impression digitale 48x32cm.

La série complète de 32 impressions digitales été présentée à la Maison Communale d'Etterbeek en février 2012.

Invitation et texte :

Mes trajets dans Bruxelles me mènent souvent au parc du Cinquantenaire. Du côté ouest, c'est-à-dire du côté de la ville, s'étend un vaste espace dégagé coupé en son milieu par la trémie d’un tunnel routier. De chaque côté, deux grandes pelouses bordées d’un écran de platanes.

C’est là qu'au début de l'été 2010 j'ai entrepris de photographier les scènes qui se donnaient à voir, sous trois registres géométriques :

Les usagers

On y observe l’aller-retour journalier entre les quartiers de bureaux du centre les quartiers résidentiel d’Etterbeek et de Woluwe, à pied et en vélo. Il y a aussi toutes les activités de détente et de loisir propres à un jardin public.

Le jardin

Le décor au sol nous offre des oppositions entre le minéral et le végétal, entre les tracés rectilignes des chemins et le foisonnement des ramures.

Le ciel

Le ciel, bien visible en cet espace dégagé, est une toile où la nature déploie des tracés entre la régularité et le chaos.

La construction des images : l’instant et le moment

La photo ne saisit pas passivement la scène observée. Il y a un travail. La première distance que l'on prend vis-à-vis de la captation instantanée du réel est induite par la volonté d'intégrer dans une même photo l'exposition idéale pour les hautes lumières (le ciel et les nuages) et celle pour les basses lumières (ce qui se passe au sol).

Pour restituer la perception naturelle, on combine plusieurs clichés pris successivement d'un même point de vue, avec des temps d'exposition variables.

Poussons plus loin cette logique qui fait de la photo non plus un instantané, mais un momentané, une image construite dont le matériau est une suite de clichés de petits événements sur une durée comprise entre quelques minutes et une demi-heure. Les éléments captés sont recombinés pour reproduire le moment vécu.

Clairement, il y a une sélection des éléments les plus significatifs, ceux qui donneront leur tonalité au souvenir que je garderai de ce moment singulier.

Du moment à la saison

Mais si ce travail de construction de l’image est libérée des contraintes de l’instantané, il m’est apparu que ce souci de la durée pouvait s’exprimer plus pleinement en une série de moments se succédant sur une longue période, de plusieurs mois par exemple. Pour mieux faire sentir la variation sur temps, les données spatiales sont constantes : l'appareil est posé tpoujours au même endroit, sur un gros bloc de pierre bien stable, et tourné toujours dans la même direction. Désormais ce point de vue perspectif ne variera plus et l'objet de cette série d'images est la succession des ambiances et des lumières tout au long de l’été 2010.